[TERMINE] Just a family matter ▬ Pied de la Tour Sunrise

Préoccupé.

Lee Duck Hwan.

Lui qui était toujours détaché de tout et ne se prenait presque jamais la tête avec un quelconque problème, voilà qu'aujourd'hui il était préoccupé. Le coup de téléphone qu'il avait reçu en provenance de sa mère quelques heures plus tôt le tracassait encore. Avant de décrocher, il avait encore soupiré en voyant s'afficher le numéro du domicile familial.

« Qu'est-ce qu'elle me veut, encore ? » Avait-il râlé intérieurement avant de lui répondre. Et maintenant, il regrettait d'avoir eu cette mauvaise pensée.

Le voilà désormais qui faisait le pied de grue en bas de la tour où se trouvaient les prestigieux bureaux de la Sunrise Corp. C'était bien la première fois qu'il avait accès aux impressionnants quartiers de l'Uptown, et il se conforta dans son idée que vivre ici devait être bien usant. Même si sa note n'était pas la meilleure, Duck Hwan s'en contentait car elle lui permettait de vivre tranquillement sans avoir à fournir d'efforts et sans se prendre la tête avec cette compétition étrange qui se basait sur les apparences.

Evidemment, puisqu'il n'y travaillait pas et n'avait pas une note suffisamment haute pour pouvoir pénétrer à l'intérieur des locaux, Duck Hwan se retrouvait là à devoir attendre qu'elle sorte. « Elle », c'était sa chère grande sœur Lee Ae Ran. Ou plutôt, Kim Ae Ran comme elle se faisait désormais appeler. Il l'avait vue une fois dans un article et ce changement de nom l'avait fait grimacer. Elle les reniait donc à ce point, leurs parents et lui ? Même si c'était malheureusement le cas, ils partageaient toujours le même sang et elle devrait écouter ce qu'il avait à lui dire. Parce que c'était grave et qu'elle n'avait pas intérêt à leur tourner le dos une nouvelle fois, surtout pas dans cette situation qui nécessitait sa présence.

Il commençait à se faire tard, Duck Hwan finissait par s'impatienter. Il venait de finir sa longue journée de cours et il avait faim. Il en venait à regretter pour une fois de ne pas avoir pris le temps de la réflexion avant de se pointer à l'improviste sans savoir si Ae Ran serait bien là à cette heure-ci. Si ça se trouve, il y avait même une autre sortie par laquelle elle était déjà partie, et il attendait pour rien. Mais puisqu'il n'avait aucun moyen de la contacter, c'était la seule idée qu'il avait trouvée. Attendre.

La nuit avait fini par tomber et la pluie aussi. Depuis l'abri sous lequel il avait trouvé refuge pour se protéger des gouttes d'eau, Duck Hwan avait une vue d'ensemble sur l'immense bâtiment de la Sunrise Corp. Au fur et à mesure, chacune des lumières s'éteignait et le jeune homme s'amusait à essayer de deviner quelle fenêtre s'éteindrait ensuite. Quand soudain une silhouette féminine attira son attention à l'entrée des locaux, il se précipita vers elle et l'apostropha :

« YAH ! Lee Ae Ran ! »

Il avait attiré les regards interloqués et méfiants des passants mais ne s'en soucia pas. Il était bien trop furieux contre sa sœur pour diverses raisons pour se préoccuper de quoi que ce soit d'autre. Une fois arrivé à sa hauteur, il se planta devant elle et croisa les bras en la fusillant du regard.

« J'espère au moins que tu te souviens de moi ? »

Assise devant mon petit bureau, le menton posé sur ma paume, j'observe les trombes d'eau dévaler les immenses vitres de l'immeuble. La nuit est tombée depuis quelques minutes seulement, et déjà, la pluie la rend plus sombre. Je frissonne, m'imaginant en train d'attendre mon taxi sous ces gouttes glaciales. Heureusement que j'ai pensé à prendre mon parapluie ce matin. Qu'auraient pensé mes collègues en me voyant trempée sous la pluie ? J'en aurais sûrement entendu parler pendant des jours, on m'aurait reproché mon manque d'anticipation et de reconnaissance envers la société pour me montrer en piteuse apparence. Cette fois, j'aurais bien eu du mal à maintenir ma note. Parce que c'est le but de tout ceci, n'est-ce pas ?

Je soupire avant de jeter un regard sur la petite télécommande qui trône fièrement sur le verre impeccable du bureau. Elle a encore augmentée depuis ce matin. Le joli 4.25 de la veille s'est transformé en un 4.28. Une différence minime mais qui suffit largement à me remonter le moral et à m'ôter l'intuition étrange qui m'étouffe depuis quelques heures. Avec un léger sourire satisfait, je la prends afin de la glisser dans la poche de mon sac à main.

Je ne peux pas prendre le moindre risque, pas avec les sacrifices que j'ai déjà fait pour arriver jusqu'ici.

Lorsque je traverse l'open-space pour rejoindre les ascenseurs, je ne peux que remarque les nombreuses photographies qui ornent les différents bureaux. Famille, couple, âme-soeur, animal de compagnie... Suis-je la seule à n'avoir pour simple décoration qu'une jolie peinture représentant un cerisier en fleurs ? D'un sourire poli, je salue les quelques personnes qui m'accompagnent dans la cage de fer. Des banalités d'usage sont échangées, et à nouveau, je peux voir les notes de chacun augmenter de quelques dixièmes. C'est si simple, c'est si gratifiant. D'un seul geste, je parviens à récolter la récompense tant attendue.

Après une dernière inclinaison devant mes collègues, j'ouvre l'immense plastique blanc du parapluie et me glisse sous le ciel tumultueux.

« Lee Ae Ran »

Je me fige aussitôt, les talons de mes chaussures résonnant contre le sol froid. Surprise ?

Le mot est faible. C'est une tempête, semblable à celle qui est en train de s'abattre sur les pavés, qui se met à enserrer ma poitrine. La surprise, oui, mais aussi l'inquiétude, la honte, l'envie de fuir à toutes jambes. Pourtant, je reste immobile. Les doigts serrés sur le manche de mon parapluie, je lève les yeux vers ce visage bien trop familier. Il porte des traits similaires aux miens, les mêmes pommettes saillantes, la même bouche épaisse, et malgré ça, il ne me ressemble en rien. Nous sommes si différents qu'il serait impossible à un parfait inconnu de nous imaginer partageant le même sang.

Mon petit frère. L'un de mes sacrifices. Le passé vient de me rattraper, après toutes ces années passées à me cacher. Je croise les bras, comme pour me protéger de l'éventuelle menace qu'il représente.

« Duck Hwan. » Murmure-je lentement. « Qu'est-ce que tu fais là ? »

Beaucoup d'émotions avaient pu se lire sur le visage d'Ae Ran lorsqu'elle avait reconnu son petit frère, mais la joie n'en faisait clairement pas partie. Et ça, Duck Hwan l'avait bien remarqué. Cependant, il passa outre, de même que pour les formules de politesse.

« Duck Hwan. Qu'est-ce que tu fais là ? »

Même si elle tâchait de garder contenance, il était clair qu'elle se méfiait de lui. Presque peur, même. Il était son petit frère, pourtant ! Craignait-elle pour sa réputation ? Est-ce que c'était plus important que sa famille ?

« Je vais bien, merci d'avoir posé la question. » Railla-t-il non sans masquer son amertume.

Mais plutôt que de continuer dans la voie du conflit qu'il exécrait et qui de toute évidence ne mènerait à rien, il jugea pour une fois judicieux de prendre du recul par rapport à la situation et de réfléchir un peu. Il n'était pas question de régler maintenant leur différend ; ça, c'était une autre histoire pour une autre fois.

« Il faut qu'on parle, lança-t-il sans prendre de pincettes. C'est important et tu ne dois pas te défiler. Parce que cette fois, peu importe ce que tu en penses, je ne te pardonnerai pas. »

Duck Hwan jeta un bref regard autour de lui, comme hésitant. Il ne savait pas s'il devait annoncer une telle nouvelle ici-même, au beau milieu de la rue et d'inconnus, ou bien s'il devait proposer d'en parler autour d'un verre ou d'un café. Mais après tout, il y avait de grandes chances qu'elle refuse son invitation : lui qui n'avait qu'une à peine égale à 3 sur 5 ne devait pas être vue avec quelqu'un comme elle, et ce même s'ils faisaient partie de la même famille. Il opta donc pour son premier choix, à savoir ne pas y aller par quatre chemins.

« Maman m'a appelé tout à l'heure pour me dire que notre père avait fait un malaise aujourd'hui. Il a été admis à l'hôpital, et ils lui ont diagnostiqué un truc pas très joli. J'ai pas trop compris ce que c'était : Maman était en train de pleurer au téléphone. »

Il soupira en se remémorant ce moment pénible qu'il avait passé un peu plus tôt dans la journée. Déjà que son emploi du temps à l'université n'était pas de tout repos, il n'avait pas besoin d'avoir en plus tous ces tracas... D'ailleurs, il n'était pas près de rentrer chez lui : puisqu'il était venu directement à la Sunrise Corp. en sortant des cours, il était de son devoir d'aller tenir compagnie à sa mère. Il lui devait bien ça. Et puis, même si elle l'énervait à toujours être sur son dos, ça lui avait brisé le cœur de l'entendre sangloter à l'autre bout du combiné. Il s'était rongé les sangs tout le reste de l'après-midi sans pouvoir se concentrer.

« Bref, ce serait bien que tu passes les voir, au moins pour prendre de leurs nouvelles et pour leur en donner. Ils ont besoin de toi. »

Duck Hwan s'apprêtait à ajouter que lui aussi avait besoin d'elle, parce que seul il ne parviendrait jamais à supporter le poids de cette nouvelle et encore moins si le pire devait se produire. C'était un de ces cas de figure dans lequel il ne savait pas comment réagir, et il perdait vite pied quand les choses devenaient trop sérieuses. Mais jamais, au grand jamais il ne s'abaisserait à supplier sa sœur - il ne l'avait jamais fait jusque là et même lorsqu'ils étaient toujours en bons termes, alors maintenant c'était tout bonnement hors de question.

Pourtant, il savait que ce n'était que le commencement d'un bras de fer acharné, et qu'il lui faudrait bien plus que de simples supplications pour arriver à convaincre Ae Ran.

Je le regarde, mais est-ce que je le vois vraiment ?

Six ans. Autant d'années se sont écoulées depuis la dernière fois où j'ai eu l'occasion de lui parler, pourtant je me souviens de chaque détail comme si c'était hier. Il se tenait au milieu du salon familial, un air dubitatif sur le visage : ses traits étaient plus fins à l'époque, il n'était pas encore sorti de cet âge où l'enfance se mélange à l'adolescence. Il était jeune, peut-être un peu trop. Qu'est-ce qu'il a retenu de ce jour-là ? Qu'est-ce qu'il a compris de mon geste ? Il me semble qu'il a regardé mes valises avant de relever les yeux vers moi. Les mots qui ont passé ses lèvres à ce moment se sont effacés, ils ont été floués. Je n'avais pas envie de l'écouter, ça n'avait pas d'importance à l'époque.

Je l'ai laissé derrière moi. Je suis partie, et je ne me suis jamais retournée. La porte s'est refermée.

Comment m'a-t-il retrouvé ?

Je ne peux m'empêcher de jeter des coups d'oeil autour de nous. Il fait tellement tâche au milieu de tous ces costards-tailleurs, ces coiffures impeccables et ces statures distinguées. Il a l'air de sortir directement de la petite maison qu'on avait entre deux champs. Ce n'est pas écrit sur sa silhouette, alors pourquoi ais-je l'impression qu'il a ramené la campagne avec lui ? La honte que j'ai ressenti durant les dernières années de mon adolescence revient enserrer ma poitrine. Je pensais avoir surpassé ce sentiment pourtant, il est bien là. Il se diffuse comme un poison dans mes veines. Je ne veux pas qu'on me remarque en pleine discussion avec lui, je ne veux surtout pas qu'on rapporte sa présence à tout ce que j'ai obtenu jusqu'à maintenant.  

« Maman m'a appelé tout à l'heure pour me dire que notre père avait fait un malaise aujourd'hui. Il a été admis à l'hôpital, et ils lui ont diagnostiqué un truc pas très joli. »

Papa. Maman.

Je serre un peu plus les doigts sur le manche du parapluie. Ce sont des noms que je n'ai ni utilisé, ni entendu depuis mon départ de la demeure familiale. Est-ce que je peux toujours les appeler ainsi ? Ces deux inconnus que j'ai désespérément tenté d'écarter de ma nouvelle vie. Ils ont disparu à la seconde même où la porte a claqué dans mon dos. D'ailleurs, ils n'ont pas cherché à me retenir. Ils ont laissé leur fille de 18 ans grimper dans le bus qui menait à la capitale, ils n'ont jamais tenté de me contacter par la suite. Est-ce qu'ils étaient vexés ? Blessés ? Je n'en ai rien su. Ce sont les premières nouvelles que j'ai d'eux en six longues années.

C'était si simple de partir. Je n'ai aucunement l'intention de revenir.

« Bref, ce serait bien que tu passes les voir, au moins pour prendre de leurs nouvelles et pour leur en donner. Ils ont besoin de toi. »

Il faut donc que l'un d'eux soit malade pour qu'ils ressurgissent brutalement dans ma vie ? Je me souviens avoir déjà pensé que si je devais les revoir ce serait à un enterrement. C'est ironique comme situation. D'ailleurs ma propre indifférence parvient à m'étonner. Je me fais l'effet d'être une femme froide, sans cœur, mais c'est seulement d'eux dont je me suis détachée. Je me suis convaincue qu'ils n'avaient finalement jamais eu d'importance. J'ai changé de nom, plus rien ne me rapproche de cette famille reniée désormais.

Soupirant doucement, je tends le bras afin de protéger mon frère de la pluie. Le plastique du parapluie nous isole du reste de la rue, le rideau de pluie nous en dissimulant sans mal.

« Est-ce qu'ils ont demandé à me voir personnellement ? »

Un léger sourire apparait au coin de mes lèvres.

« Ou est-ce que c'est toi qui a décidé qu'ils avaient besoin de moi ? »

La pluie s'abattait désormais à torrents, et Duck Hwan n'avait pas prévu en partant de chez lui ce matin-là qu'une telle tempête allait le surprendre à la fin de la journée. Ou plus précisément : il n'avait pas imaginé une seule seconde qu'il allait devoir faire un détour et rentrer chez lui plus tard que prévu, ce qui signifiait qu'il se retrouverait pris sous cette averse sans rien pour se protéger.

Des gouttes de pluie perlaient aux pointes de ses cheveux courts, et de la buée apparaissait sur ses lunettes en sale état. Peut-être Ae Ran avait-elle eu pitié de lui et de sa piteuse apparence, toujours était-il qu'elle avait tendu le bras pour que son parapluie les abrite tous les deux. Ce geste inattendu avait un instant troublé Duck Hwan, et il espérait que sa surprise n'avait pas transparu sur son visage. Sa reconnaissance non plus, d'ailleurs.  

Mais les mots qu'elle lui adressa par la suite le décontenancèrent un peu plus :

« Est-ce qu'ils ont demandé à me voir personnellement ? Ou est-ce que c'est toi qui a décidé qu'ils avaient besoin de moi ? »

Duck Hwan avait l'impression de se retrouver face à un de ces QCM où il devait cocher une réponse et espérer que ce soit la bonne quand il séchait sur le sujet. Quelle était la bonne réponse à donner dans ce cas ? Car la vérité, c'était que ses parents n'avaient pas clairement réclamé la présence de leur fille aînée à leurs côtés. Mais c'était sous-entendu, pas vrai ? Enfin, c'était normal d'avoir besoin d'elle même si elle avait été une fille ingrate qui leur avait tourné le dos, non ? Ses parents avaient trop souffert du départ d'Ae Ran, et puisqu'elle avait coupé les ponts ils imaginaient que de toute évidence, même s'ils tentaient de la contacter, elle ne répondrait jamais à leur appel en détresse. Leur mère était bien trop préoccupée par l'état de santé de leur père pour perdre son énergie à batailler contre leur fille pour la supplier de venir les épauler.

Du coup, c'était lui qui en avait décidé ainsi. Pour une fois, c'était lui qui allait se batailler et tenter de faire quelque chose d'utile pour sa famille.

Pour reprendre contenance, Duck Hwan s'éclaircit la voix avant de lancer d'un air cependant mal assuré :

« Qu'est-ce que ça change ? Le fait est qu'ils ont besoin de toi. »

Puis, il soupira doucement avant de poursuivre :

« Ecoute, je te demande pas d'assister à chaque repas de famille à venir. Juste de passer au moins à l'hôpital pour montrer que tu es au courant de ce qui se passe et que tu t'inquiètes un peu pour eux. »

Duck Hwan retira un instant ses lunettes afin de les nettoyer grossièrement avec le tissu de son sweat. L'air de rien, cette pause lui permettait de réfléchir à de nouveaux arguments qu'il pourrait avancer.

« Si tu ne viens pas, tu ne feras qu'aggraver ta situation : Papa mourra en croyant que sa fille le déteste, Maman aura perdu à la fois son mari et sa fille définitivement, et moi je saurai que tu n'es qu'une lâche et une fille sans-coeur et je te détesterai pour toujours. Voilà. »

Il croisa les bras comme pour ponctuer sa phrase pourtant maladroite. Ce n'était pas le plaidoyer du siècle mais ç'avait l'air de le satisfaire.

« Qu'est-ce que ça change ? Le fait est qu'ils ont besoin de toi. »

Je vois.

J'aurais presque envie d'en rire. C'est dingue comme cette situation peut me paraitre ridicule : sous cette pluie battante, les cheveux trempés et son air de niais coincé dans une conversation sérieuse, osant me mentir en me regardant droit dans les yeux... Est-ce qu'il a oublié qu'on avait vécu près de 16 ans ensemble ? Je le connais par cœur, et les six années de séparation n'ont malheureusement pas suffit à effacer ce fait. Il n'a jamais été doué pour dissimuler la vérité.

Besoin de moi ?

Il peut ne pas le dire clairement mais il est certain qu'aucun de mes parents n'ait demandé ma présence. C'est à peine s'ils doivent se souvenir de leur fille ainée, d'ailleurs je ne peux pas leur reprocher. Je n'ai pas été le genre d'enfant dont on ne raconte que les bons côtés, au contraire. Je suis persuadée que les réunions de famille doivent être marquées par le reflet de mon indifférence, de ma grande exigence et de mes nombreuses crises de colère.

Je l'écoute sans le quitter des yeux, sans même ciller. D'où est-ce qu'il vient avec son apparence négligée ? Est-ce qu'il est venu à Séoul uniquement pour me retrouver ? Peut-être qu'il vit simplement à quelques rues de chez moi ? Il n'a qu'un 3.04, il doit sûrement avoir loué un appartement dans le middletown. Pourquoi ? Il semblait à l'aise dans la campagne, parfaitement à sa place entre les champs et les parties de pêche dominicales. Me poser toutes ces questions me frustre, m'agace. Je n'ai pas la patience nécessaire pour lui faire face aujourd'hui.

Je ne supporte pas l'idée que le passé ressurgisse sans y avoir été invité.

« Aggraver ma situation ? Tu ne sembles pas comprendre, Ducky, que cette vie loin d'eux me convient.»

Je penche lentement la tête, luttant pour rester aussi calme qu'impassible.

Papa. Parlons-en de papa. Si je me souviens bien, c'est lui qui m'a explicitement dit de faire mes valises si je n'étais pas capable d'apporter mon soutiens à la famille et d'aller les aider à tenir leur petit commerce de proximité. Les adjectifs qu'il a employé d'ailleurs s'approchaient plus de "stupide et superficielle" que de "chérie". Plutôt que d'écouter sa fille se plaindre pour la énième fois sur sa solitude, son impression de ne pas être à sa place, il a préféré lui claquer la porte au nez. Il a été la dernière barrière à s'écrouler, libérant ma furieuse envie de fuir.

Maintenant qu'il est malade, je dois me rendre à son chevet et m'aplatir devant lui ? Il ne veut certainement pas être réconforté, ni soulagé de l'idée que sa fille le déteste, au contraire, il chercherait plutôt à m'extirper des excuses avant de passer l'arme à gauche.

Mes doigts sont tellement crispés sur le manche du parapluie que mes phalanges en blanchissent.

Six ans ont passé, et malgré ce temps, je suis encore en colère.  

« Qu'est-ce que ça changera pour moi, que tu me détestes ? D'ailleurs, ce n'est pas déjà le cas ? »

Faibles. Ses arguments étaient faibles et il le savait. Cela se voyait sur les traits du visage de sa soeur : elle n'avait aucunement l'air impressionnée ou touchée par ses paroles. Et puisqu'il n'avait pas du tout préparé sa défense, Duck Hwan se sentait presque perdre pied. Pourquoi est-ce qu'il avait décidé de mener ce combat, déjà ? Il serait tellement mieux, au chaud et au sec dans sa chambre en train de bidouiller quelques codes sur son ordinateur.

Il se souvint à quel point il avait toujours trouvé désagréable de parler avec Ae Ran quand il y avait cette impression étrange et persistante d'être constamment jugé par elle. Encore maintenant - surtout maintenant - il n'y échappait pas. Et cette impression était même décuplée, presque mille fois plus pesante qu'auparavant. Il sentait son regard le sonder de haut en bas, comme s'il passait au scanner et que tous ses secrets étaient mis à nu. Bon, à proprement parler il n'avait pas réellement de secrets à garder bien enfouis au fond de lui. Pas comme elle. Comment osait-elle prétendre que cette vie loin d'eux, loin de sa famille lui convenait ? Bien sûr qu'il pouvait comprendre qu'elle avait eu des envies de rejoindre Seoul et son côté métropolite très attirant. Il l'avait toujours entendue répéter qu'un jour, elle quitterait le domicile familial pour mener sa vie de rêve en ville. Mais devait-elle pour autant rompre tout contact avec eux ?

« Qu'est-ce que ça changera pour moi, que tu me détestes ? D'ailleurs, ce n'est pas déjà le cas ? »

Duck Hwan soupira. Evidemment qu'il ne la détestait pas, il avait juste eu recours à une espèce de chantage affectif qui aurait eu pour but de la culpabiliser ne serait-ce qu'un peu. Mais cette tentative aussi s'était soldée par un cuisant échec. Six ans avaient passés, et il n'avait toujours pas trouvé le moyen de gagner la moindre dispute fraternelle contre Ae Ran. Elle l'avait toujours dominé en quelques sortes ; certes, elle était de loin plus intelligente que lui et ses conversations étaient mille fois plus intéressantes (ennuyantes) que les siennes. Même si c'était elle qui sortait du lot dans ce petit village, il avait toujours eu cette horrible sensation de faire tâche à côté d'elle et de ne jamais être à la hauteur.

Aux yeux de sa mère, il était le parfait petit garçon, bien discipliné et qui faisait preuve de piété filiale. Même s'il avait tendance désormais à rejeter le moindre geste d'affection qu'elle lui vouait en public, il resterait à jamais le petit Ducky à sa Maman. Mais depuis toujours, inconsciemment, il avait cherché l'approbation de sa grande soeur. Ils étaient très différents mais il avait sans cesse tenté d'attirer son attention. En vain. Il n'avait jamais eu une seule félicitation venant d'Ae Ran. C'était normal pour les parents d'encourager leurs enfants et de les applaudir quand ils accomplissaient quelque chose. Mais, même s'ils n'avaient que deux ans d'écart, Duck Hwan avait toujours eu ce sentiment que le fossé entre sa soeur et lui était beaucoup plus vaste.

Alors, oui : au fond qu'est-ce que ça changerait à la vie de la merveilleuse Lee - non pardon - Kim Ae Ran que son pouilleux de petit frère la déteste ou pas ? Il la laissait complètement indifférente, du moins c'était l'impression qu'il avait toujours eue.

« T'as raison : ça changerait quoi que je te déteste ou pas ? T'en n'as jamais rien eu à faire, de ce pauvre petit pèquenot de Ducky. Je sais pas pourquoi j'ai été stupide de croire que tu m'écouterais moi. »

Il haussa les épaules pour donner l'impression que tout cela lui importait peu, et commença à tourner les talons. Il était trempé, il avait froid, il avait faim, et il regrettait d'avoir perdu son temps pour une chose qu'il savait perdue d'avance. Mais s'il avait tenté quelque chose, c'était bien pour ses parents. Il aurait bien aimé être le fils prodige qui rentrerait à la maison en annonçant qu'il avait réussi à convaincre Ae Ran de revenir. Il y aurait eu des excuses, tout le monde aurait pleuré et se serait serré dans les bras, et plus aucune tension familiale n'aurait pesé sur eux. Mais ça, c'était seulement dans sa vision idéalisée et simpliste des choses.

Duck Hwan sortit du périmètre délimité par le parapluie qui l'avait jusque là un peu abrité de la pluie.

« J'imagine que j'aurais pas le plaisir de te croiser dans le Middletown ? »

Il mit les mains dans ses poches et ses doigts rencontrèrent sa télécommande qui lui servait à voter. Ah, il avait oublié : il ne manquerait plus qu'elle lui attribue une note négative pour qu'il tombe en dessous de la barre des 3 et doive fournir des efforts pour remonter un peu et garder un train de vie tranquille. De ce fait, par pure esprit de vengeance futile, il s'apprêta à distribuer la note la plus basse, juste histoire de voir la tête qu'elle ferait. Juste pour voir si, finalement, son avis ne lui importait vraiment pas.

Mais au dernier moment, il suspendit son geste.

Une flaque s'était désormais formée autour de nous, mes escarpins dernièrement acquit y baignaient largement et je pouvais sentir l'eau tremper mes chevilles. Je n'ai jamais aimé la pluie. Déjà sur la côte, je la trouvais insupportable. Elle inondait les champs, débordait sur les routes, s'infiltrait par les trous du toit... Je n'avais qu'une fine capuche pour me protéger et très vite, je finissais par être clouée au lit à observer les murs blancs de ma chambre. D'ordinaire, les enfants adorent les jours où ils ne sont pas obligés de se rendre en classe mais, pour moi, c'était synonyme d'ennuis et de perte de temps. L'école était mon souffle d'air. Apprendre était ma bouée de sauvetage. Je m'échappais un peu plus de cette routine campagnarde que j'exécrais, rien qu'en prenant le chemin du collège. Alors rester seule, enfermée entre quatre murs qui ressemblaient plus à une prison qu'à une maison, j'avais l'horrible impression d'arrêter de vivre. J'écoutais les secondes qui tapaient dans la grande horloge du salon, je comptais les heures qui me séparaient de ma délivrance.

Les journées étaient interminables.

Jusqu'à ce qu'il rentre.

Mon petit frère bavard. Ducky qui, d'un coup, emplissait la maison.

Je me souviens, dès que j'entendais la porte claquer, je mettais une couverture sur mes épaules et je dévalais les escaliers tout en m'assurant de garder un air de profond ennui. Je l'écoutais déblatérer en faisant semblant d'être occupée à faire une chose bien plus importante mais souvent, le sourire qui apparaissait au coin de mes lèvres n'était pas si moqueur. Au fond, j'étais contente qu'il soit là, qu'il me sorte de ma terrible solitude.

Est-ce que j'ai déjà pensé que c'était un pèquenot ? Non. Bien sûr que non. Je le pensais juste à sa place avec ses bottes de pêches et ses lunettes rondes sur le nez.

Je devais même l'envier, inconsciemment. J'aurais peut-être adoré ne pas me sentir étrangère de ma propre famille. A mon tour, j'aurais pu sortir fièrement de notre petite bicoque pour aller sauter dans les flaques avec lui. Je n'aurai pas eu à faire attention aux regards en coin que nous adressaient les voisins et du jugement qu'ils offraient à nos parents dès que l'un de nous sortait du chemin. Ducky avait l'air constamment heureux, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Alors que je restais obstinément le dos droit, terrifiée à l'idée que l'on comprenne que je n'étais pas aussi exceptionnelle que je voulais le montrer.

Au final, je me suis persuadée qu'on venait de la même famille, mais pas du même monde.

Je sursaute en le voyant s'éloigner sous la pluie, retombant sous les trombes d'eau qui nous séparent désormais. Il s'en va ? Il lance une bombe qui ébranle les fragiles certitudes que je tente de maintenir depuis six ans, et il s'en va ? Je cligne des yeux, l'observant sans comprendre. Et c'est tout ?

« Duck Hwan, attends. »

En deux enjambées, me moquant totalement de l'eau qui s'immisce dans mes nouvelles chaussures, je le rejoins. Coinçant le parapluie contre mon bras, je fouille dans la petite poche de mon sac à main jusqu'à en sortir une petite carte dorée à l'effigie de Sunrise Corporation.

« Je ne dis pas que je vais aller les voir, honnêtement je n'en ai pas l'intention pour le moment. Je vais y réfléchir, ok ? »

Relevant les yeux vers lui, je lui tends la carte où mon nom est écrit en de jolies lettres dorées juste au-dessus de mon numéro de portable.  Je mordille ma lèvre, soudainement nerveuse à l'idée qu'il me repousse. Non pas parce que nous sommes entouré de témoins pouvant assister à cette éventuelle humiliation, mais parce que je me surprends à avoir vraiment envie qu'il accepte. Prends-la.

« Mais tu peux m'appeler. Si tu as besoin de quelque chose, si tu as envie de boire un café ou juste de discuter... Appelle-moi. »

J'adore mon petit frère, mais ça, je ne l'avouerai jamais.

« Duck Hwan, attends. »

A quelques secondes près, il lui aurait attribué une sale note par pur acte d'immaturité. S'il y avait pensé plus tôt, il aurait même pu essayer de se jouer d'elle en la menaçant de lui donner la note la plus basse possible, à savoir un -10. Juste pour voir si ce Système avait réellement un tel impact sur elle. Et juste parce que c'était Ducky, et qu'il lui en fallait peu pour s'amuser.

Quoiqu'il en soit, Duck Hwan ne s'était pas vraiment attendu à ce que Ae Ran le rattrape. Certes, il l'avait espéré mais c'était le genre de combine qui, quand ils étaient petits, n'avait jamais fonctionné. Quand il partait bouder dans son coin suite à une broutille, il le faisait en général pour attirer l'attention de sa grande soeur et faire en sorte qu'elle le retienne. Mais ça n'avait jamais marché.

Jusque là.

Il se retourna et son regard fut attiré par la petite carte à son nom qu'elle lui tendait. Un petit rictus moqueur lui échappa. Au moins, elle n'avait pas balancé de paroles en l'air : elle avait voulu faire sa vie en ville et se construire une réputation, et elle en était à un stade où elle pouvait se permettre de distribuer sa propre carte où son nom était inscrit en superbes et délicates lettres d'or. Et puis, de toute évidence : pour pouvoir travailler dans les bureaux de la Sunrise Corp. il fallait posséder une certaine notoriété et des compétences qu'il lui connaissait déjà.

« Je ne dis pas que je vais aller les voir, honnêtement je n'en ai pas l'intention pour le moment. Je vais y réfléchir, ok ? »

Duck Hwan fit une petite moue déçue. Mais il pouvait déjà s'estimer heureux d'avoir trouvé un moyen de faire durer cette conversation avec sa grande soeur, et de peut-être l'influencer et la faire changer d'avis quant à toute cette histoire.
Cependant, elle ajouta quelque chose d'encore plus insensé, une proposition à laquelle Duck Hwan était loin de s'attendre en engageant la discussion avec Ae Ran.

« Mais tu peux m'appeler. Si tu as besoin de quelque chose, si tu as envie de boire un café ou juste de discuter... Appelle-moi. »

Lui qui avait voulu agir en gros dur devant elle, le voilà qui n'avait pas pu masquer son étonnement. Son regard perdu et décontenancé tentait de trouver une réponse en sondant les iris chocolat de sa soeur qu'il avait toujours crue si impassible. Etait-elle vraiment en train de lui présenter son numéro de téléphone dans l'optique qu'il puisse la contacter à l'avenir ? Pour qu'ils puissent... Boire un café ou juste discuter ? Lui, le petit frère un peu nigaud qui n'avait qu'un 3,04 et elle, la belle et intelligente Ae Ran qui arborait fièrement son 4,28, se retrouveraient en public pour parler de la pluie et du beau temps ?

« Tu es sûre ? »

Duck Hwan la dévisagea tout de même d'un air sceptique. Pourquoi changerait-elle d'avis aussi soudainement alors qu'elle clamait haut et fort la minute précédente qu'elle se fichait pas mal qu'il la déteste ou non ? Après un instant de pseudo-méfiance, il se décida à saisir la carte de visite qu'elle lui tendait, et fit mine de l'examiner scrupuleusement.

« Qu'est-ce qui me dit que t'as pas une carte de visite avec un faux numéro pour te débarrasser des gens comme moi ? »

Il leva la carte en direction d'une lumière émise par un lampadaire pour voir au travers par transparence comme s'il cherchait une éventuelle puce électronique. Bien évidemment, il n'y trouva rien : ce n'était qu'une carte de visite ordinaire. Il voulait juste faire poireauter Ae Ran un peu plus longtemps.

Enfin, il se décida à la ranger dans une de ses poches et fouilla dans son sac de cours. Malgré tout le bazar qu'il contenait - une vraie décharge, il y avait encore des emballages vides de kimbap qu'il avait acheté et mangé la semaine dernière - il finit par en extirper un bout de papier et sa trousse. Puis, il inscrivit dans son plus belle écriture, très soigneusement grâce à un stylo d'une jolie couleur noire tout à fait banale, les lettres de son propre nom suivi de son numéro de téléphone portable.

« Si tu as besoin de quelque chose, tu peux m'appeler. » Lui tendit-il le papier en l'imitant de façon exagérée, juste pour la charrier.

Sûre ? Non. C'est d'ailleurs rare que je ne le sois pas.

Mais cette situation me déstabilise. Je suis partagée entre la gêne terrible que m'inflige la présence de mon petit frère, si différent de ce que je suis aujourd'hui, et ma joie plus discrète de le retrouver. C'est étrange de ne pas avoir remarqué jusque là que l'absence de Duck Hwan tenait une si grande place dans ma vie, comme si l'avoir sous les yeux suffisait à me le faire comprendre. Nous avons passé près de seize années l'un avec l'autre, il est un peu plus difficile que prévu de s'en détacher. J'ai envie d'essayer, j'ai envie de donner une chance à mon frère d'exister.

Après tout, la rancœur que j'entretiens envers mes géniteurs ne le concerne pas. Il peut bien choisir la vie qu'il veut mener désormais, il n'est pas obligé de marcher dans mes pas ou de rester en bas de l'échelle que mes parents n'ont jamais tenté de gravir.

« Si tu as besoin de quelque chose, tu peux m'appeler. »

J'arque un sourcil, légèrement amusée par son attitude, avant de tendre les doigts vers le morceau de papier qu'il me tend.

« Tu n'as vraiment pas changé, Ducky. »

J'espère qu'il remarque mon effort surhumain pour ne pas lui faire remarquer qu'il ne pourrait rien faire pour moi si j'avais éventuellement besoin de quelque chose. Je me contente simplement de ranger le papier dans mon portefeuille. Mes doigts effleurent le boitier froid de ma télécommande et pour la première fois, j'hésite à m'en servir.

Je n'ai jamais eu à noter mon frère. N'est-ce pas un peu étrange ?

Mon pouce caresse l'écran où apparait toutes ses informations : son nom, sa note, ses études... Tout ce que j'ai mit de côté ces dernières années. J'en apprends plus au travers de l'application que par sa propre bouche. Ça me semble être une réalité frustrante pendant une seconde, mais rapidement, je me souviens de ces années où je me suis passé de cette technologie et où il était plus difficile de se créer de nouvelles relations sociales. Alors, c'est presque inconsciemment que j'appuie sur le fameux bouton de notation.

« A bientôt ? »

Quand sa soeur s'était saisie du bout de papier que Duck Hwan lui avait tendu en retour, il n'avait pas voulu le montrer mais son visage s'était très certainement illuminé. La remarque qu'elle avait faite par la suite eu le mérite de lui arracher un rictus à la fois moqueur et fier. C'était plutôt un compliment... N'est-ce pas ?

Quand elle rangea sa carte d'infortune dans son porte-feuille, l'attention d'Ae Ran sembla être attirée par quelque chose que contenait son porte-feuille. Duck Hwan devina à son regard sceptique et concentré qu'elle était sûrement en train de lire sur la télécommande de Sunris Corp. les informations qui le concernaient. Maintenant qu'ils étaient connectés, il avait accès lui aussi à tous les renseignements au sujet de la vie de sa grande soeur. Il pourrait au moins rassurer ses parents en leur disant qu'elle allait bien et qu'elle avait réussi socialement. Et puis, elle viendrait peut-être leur rendre visite.

Peut-être.

« A bientôt ? »

A cet instant, une vibration et une alarme sonore simultanés indiquèrent à Duck Hwan qu'il venait d'être noté. Il se saisit machinalement de sa télécommande et jeta un coup d'oeil à la note qu'il venait de recevoir. + 10. Hé bien, elle était généreuse ! Peut-être avait-elle eu pitié de lui et de son médiocre 3,04 ? En tout cas, si elle pensait qu'il allait facilement lui rendre la pareille, elle se mettait le doigt dans l'oeil ! D'humeur chapardeuse et tout de même encore un peu vexé par le fait qu'elle n'ait pas totalement accepté d'aller voir leur père à l'hôpital, il décida de ne pas lui attribuer un 10 aussi aisément. Après tout, elle avait déjà une sacrée note de 4,28.

« A plus. » Lança-t-il en s'éloignant et en brandissant sa télécommande en guise de salut.

Puis il appuya sur le bouton et se retourna sur un sourire satisfait. Enfin, enfin ! Il allait pouvoir rentrer chez lui pour se mettre au chaud, quitter ses vêtements trempés pour enfiler quelque chose de plus confortable et s'affaler de tout son long sur le canapé. Et puis, il était content d'avoir parlé avec Ae Ran.

Et ça, il ne voulait pas qu'elle le sache. Mais c'était sûrement trop tard, car il était terriblement mauvais pour cacher ses émotions.