Who is the hunter, who is the prey ? Kim Min Woo ♠ Park Soo Hwa

La peur. Les coups. La solitude, surtout.

Je suis un gros fumeur. Je l'ai toujours été depuis ma fugue du Uptown pour préférer les quartiers sales du Downtown. Le tabac me permet de relâcher la pression, et surtout de garder le contrôle. J'allume mon cancer aussi vite que l'on allume la lumière dans une pièce. Je bois aussi, souvent, j'aime dire à mes camarades que c'est pour trouver l'inspiration, mais c'est surtout pour ne plus penser et pouvoir m'endormir. J'ai l'habitude des insomnies, mais j'y trouve un avantage. Je préfère les bras de Séoul la nuit plutôt que le jour. La douce lumière du soleil est bien plus belle lorsqu'elle se reflète sur la lune.

Ce soir, c'est un peu différent. Ce soir, j'ai choisi la drogue, comme les rares fois où je sens que je perds pied, que le monde commence à tourner, que le sol se dérobe sous mes pieds. Ironie, c'est la drogue qui me permet de me tenir debout. D'oublier le traumatisme d'un père violent et d'une mère silencieuse, d'une vie dans la rue, d'une vie de solitude.

A chaque fois que je fume de l'herbe, je me rappelle des histoires que me lisait ma mère. Des histoires de héros, de chevaliers, de sorciers, de princesses. Je m'émerveillais devant les images colorées qui prenaient vie sous mes yeux. Aujourd'hui, à 26 ans, je sais que je ne suis pas une princesse enfermée dans une tour et que mon prince est cette drogue qui me rend plus fort que je ne l'étais il y a dix minutes, quand je faisais une crise d'angoisse dans les toilettes de la boîte de nuit derrière moi. J'inspire une nouvelle bouffée et renverse la tête en arrière pour observer la fumée nocive s'échapper vers le ciel nocturne. Dans cette ville, on ne voit pas les étoiles.

On ne les voit jamais.

Un sentiment amer remonte le long de ma gorge, mais je refoule le souvenir qui tente de grimper jusque dans la tête. Quand je baisse les yeux, j'aperçois la silhouette l'homme qui se trouvent à quelques mètres de moi. Immédiatement, je le dévisage en silence, de haut en bas. Ce n'est pas son allure avantageuse, ou ses traits fins qui attirent mon attention, comme ça aurait pu être le cas en temps normal, mais son regard. Les lueurs qui y brillent sont différentes de celles que l'on trouve chez les gens en général. En tant que dessinateur et tatoueur, j'ai l'habitude d'observer les autres, de les dessiner, de les contempler. Des les comprendre, de les deviner, de saisir le contour de leur histoire, les ombres de leur passé ou simplement de les écouter. Jusqu'ici, je ne me suis planté qu'avec Ae Ran. Mais lui... Je ne sais pas.

Cet homme dégage quelque chose de différent.

Mais je suis incapable de savoir quoi.

« Désolé, je ne partage pas. »

J'accompagne chaque syllabe d'un rictus moqueur en désignant l'herbe roulée entre mes doigts, l'effet de la drogue dilatant légèrement mes pupilles. Pour traîner dans ce quartier, il y a de fortes chances que ce soit un délinquant. Et ce soir, je ne suis pas d'humeur à jouer.